Les Conseils du Stoppeur
Vous habitez en banlieue ? Vous n’avez pas trop d’argent ? Il fait chaud, vous avez envie de changer d’air ? Prenez un sac-à-dos avec quelques affaires de rechange, une bouteille d’eau en plastique dur et un sac de couchage. Prenez un ticket de Train jusqu’en zone 7 et tendez le pouce dans la direction opposée à Paris. Vous atteindrez bientôt un ailleurs insoupçonné, à la mer, la montagne ou la campagne. Si les gens ne vous plaisent pas ; ça peut arriver ; continuez plus loin.
Vous êtes noir, arabe, turc, indien, malgache. Vous vous inquiétez de votre teint hâlé, que personne ne s’arrête pour vous. Certes, la France est raciste mais les gens qui vont vous emmener sont les plus ouverts, les plus sympathiques. Le racisme en France, ils le connaissent et ça les désole. Vous pourez attendre des heures au même endroit, blanc ou noir, c’est la même chose pour tout le monde. Mais il y aura toujours quelqu'un, partout, tôt ou tard, patience.
Emmenez votre walkman, si vous voulez. Vous pouvez même danser. Dansez, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. S’ils ne veulent pas vous embarquer, que vous dansiez ou pas, ça ne changera rien. Par contre, si un danseur contemporain qui n’avait pas spécialement envie de compagnie passe devant vous, vous allez le surprendre et il s’arrêtera assurément. Les gens sur les routes sont aussi variés que l’espèce humaine toute entière. Ils ne sont pas si caricaturaux que les portraits télévisés que l’on vous montre.
D’après mes statistiques, en France, les maghrébins et les personnes d’origine extra-communautaire en général constituent la première population favorable à l’autostop. Voir Derniers voyages et Carnets de voyage (Espagne 1994). C’est-à-dire qu’ils sont les premiers à s’arrêter. Je suis persuadé qu’un jeune marocain parcourera la France en autostop plus vite que moi. Car il existe une vraie solidarité qui unit chaque membre de la communauté. Ils sont aussi simplement plus tolérants et serviables que des indigènes sensibles à la propagande sécuritaire.
Vous allez rester des heures sur le bord de la route, ce n’est pas grave, personne ne vous attend. Alors dansez si vous le voulez et surtout regardez les visages nombreux des automobilistes, essayez d’imaginer leurs sentiments. ça peut être rigolo, je vous assure.
Ils ne s’arrêtent pas. Ce n’est pas grave. Ce n’est qu’une question de temps. Vous serez bientôt au bord de la mer. C’est les vacances. Positivez. Tout est bien dans le meilleur des monde.
Ils ne s’arrêtent pas. Mais regardez-les, regardez-vous. Qui est le plus libre ? Ne vous paraissent-ils pas soucieux, englués dans leur quotidien ? Attachés à des chimères ?
Ils ne vous font pas de la peine ? Vous êtes libre, ils ne le sont pas. Vous leur devez quelque chose. Offrez-leur un sourire, vous avez tout à y gagner. Changez-leur les idées. Ils ont besoin de divertissement. Ils veulent vous écouter raconter qui vous êtes, vos voyages…
Ils s’arrêtent. Vous êtes rassuré, vous êtes content. Vous leur souriez, les remerciez. C’est la première fois que vous traversez la région, c’est joli.
Vous êtes déjà plus beau que quand vous êtes parti de chez vous. Vous êtes un rayon de soleil qui va les soulager un peu du poids de leur quotidien.
Ils vous offrent un café sur la route. Vous leur dîtes ce que vous allez faire au bord de la mer. Vous baigner, rencontrer des gens. Si vous avez une tente, vous irez au camping… Ils vous déposent plus loin sur la route, ils vous ont rapproché de la côte. C’est toujours ça. Trouvez un endroit adéquat où descendre afin d’être plus efficace pour la suite. N’hésitez pas à demander à votre hôte s’il connaît sur sa route une station (au cas où vous êtes sur l’autoroute) ou une place où le flux est assez lent (sur une route nationale) avec un large parking.
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Sur l’autoroute, il y a aussi les péages centraux qui captent toutes les voitures. Alors ça, c’est l’idéal. Sauf que c’est interdit. Essayez, avec un grand sourire avenant, vous pouvez décoller illico presto. Il m’est souvent arrivé de descendre d’une voiture pour monter dans une autre tout de suite. C’est encore mieux quand il y a un embouteillage.Dans ce cas, le panneau est fortement recommandé avec des étapes distantes d’au moins cent kilomètres.
Prévoir une chemise en carton (porte-document) : vous y inscrirez votre destination et certaines étapes de votre voyage.
Laissez des places vacantes afin d’ajouter d’éventuelles villes si vous êtes détournés. |
Circulez au milieu des voies, exposez votre panneau pour tout le monde, un peu comme la fille superbe qui indique le 3ème round sur un ring de boxe. Des gens ne vont pas manquer de rire ou de vous parler avec le sourire, ils sont désolés de ne pas avoir de place, ils ne vont pas dans cette direction. Eh bien, c’est gentil quand même. Votre train arrive mais vous ne savez pas à quelle heure.
Comme c’est interdit, la police peut venir vous contrôler. Pour cette raison, c’est mieux d’avoir un papier d’identité en règle sur soi. Ils peuvent vous dire de vous placer de l’autre côté du péage, là où les voitures repartent. Il peut s’agir aussi des employés des autoroutes, ils ont des consignes. Vous pouvez faire une dernière tentative auprès des automobilistes avant de vous déplacer là où on vous dit. Si vous refusez, ils vous envoient la police. Une fois, à Vierzon Nord, c’est la seule, le gendarme m’a interdit le péage et m’a ordonné de prendre la nationale qui passe en dessous. Alors qu’il n’y avait aucun danger, les véhicules roulant au pas. C’était un vilain gendarme avec des moustaches. Il ne sert à rien de discuter avec les forces de l’ordre, j’obtempère donc sachant parfaitement que je perds du temps. Mais qu’est-ce que le temps ? « Vous, en Europe, vous avez des montres, nous, on a le temps. » Ce dicton africain nous invite à relativiser ce genre d’aléas.
D’autres policiers, autrichiens ceux-là, m’ont trouvé sur une voie rapide autoroutière, ils n’étaient pas contents mais ils m’ont accompagné à la station suivante avec gentillesse.
D’autres encore, allemands cette fois, m’ont carrément pris en stop tandis qu’ils transportaient un prisonnier menotté!
Sur les routes secondaires, on peut faire du stop à la sortie des ronds-points, devant un relais routier, partout où les voitures peuvent se garer.
Cependant, étant donnée la politique de l’urbanisme, - ils mettent des trottoirs partout que les voitures ne peuvent franchir - , il se peut que vous n’ayez que le choix d’une entrée d’autoroute, soit une voie rapide.
En mesurant leur vitesse, faites en sorte qu’ils vous voient le plus longtemps possible pour qu’ils puissent se décider. S’ils sont motivés, ils trouveront toujours un moyen de s’arrêter. Ainsi, il y a des villes à éviter. Le plus aisé, si vous savez où vous allez, est de ne jamais quitter le réseau autoroutier.
Et si vous avez des impératifs temporels, que vous êtes pressé,- cela arrive quand on a un rendez-vous -, faites-vous transporter de station-essence en essenceries et allez à la rencontre des gens, ne pas hésiter à demander aux conducteurs dans les stations. Souvent un premier contact verbal brise la vitre (figuré). Si vous parvenez à inspirer la confiance et la bonne humeur, à montrer votre caractère inoffensif, aucune destination n’est inaccessible. Vous êtes sympathique, de toutes façons, et ça se voit.
Il est inutile de marcher lors d’un tel périple, surtout que sur le dos vous avez un sac assez lourd. Vous devez faire en sorte d’être déposé dans un lieu propice pour continuer votre progression spatiale. Préférez les espaces où les voitures roulent lentement pour laisser aux conducteurs le loisir de bien vous voir : Péages d’autoroute (en France), stations essences ailleurs, rond-points…
Le but du jeu, c’est de ne pas parcourir plus de cent mètres à pied pour une distance de mille kilomètres.
Pour cela, il faut se débrouiller pour que les automobilistes vous laissent dans un endroit efficace (vitesse modérée, bonne visibilité avec un minimum de flux). |
Résumé et Axiomes
Axiome I :On arrive toujours à destination, ce n’est qu’une question de temps.
Axiome II :Ce n’est pas le flux de voitures qui fera la réussite de votre entreprise : plus il y a de voitures, moins elles s’arrêteront.
Axiome III :
Ne pas attendre, on n’est pas à la gare.
Conseil d'expert :Une voiture s'arrête, demandez d'abord où ils vont. Ne monter que s'ils vous avancent jusqu'à un endroit pratique pour continuer. Pour ne pas se retrouver cinq kilomètres plus loin dans un endroit perdu avec des voitures lancées à 130 km/h.
Ne rien demander dans les voitures: Inspirer de la sympathie aux automobilistes qui vous emmènent, ils éprouveront alors l’envie de vous avancer plus. Nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à faire des détours pour vous aider. C’est l’antithèse du sketch de Coluche "L'autostoppeur". Voir Derniers voyages.
Ne pas juger : Avec mépris les gens qui ne s’arrêtent pas, même s’ils ont des cheveux longs et portent une barbe et des boucles d’oreilles, tu ne sais pas leur vie ni leurs impératifs du moment.
Ne pas juger : Avec condescendance ceux qui s’arrêtent et qui ont l’air un peu fous.
Résumé : Nous avons vu que les techniques de l’autostop varient en fonction du type de route sur laquelle vous vous trouvez.
On discerne trois types de routes, les routes secondaires, les nationales et les autoroutes.
Sur les routes secondaires, il suffit de trouver un emplacement où la vitesse des automobiles est réduite, le plus souvent à la sortie des petites villes ou après un rond-point.
Les routes nationales peuvent être qualifiées de routes mixtes car elles alternent entre les double-voies classiques et il suffit de se comporter comme sur les routes secondaires et les quatre-voies et dans ce cas, les techniques utilisées sur les autoroutes sont encore les plus appropriées.
En troisième lieu, les autoroutes où le plus indiqué est de se poster dans les stations essence ou encore aux péages avec un panneau (dans les pays où ils existent, comme en France).
Dans les stations, vous avez le choix entre attendre à la sortie avec votre pouce ou bien de venir demander aux conducteurs qui s’y arrêtent si le temps presse.
Surtout n'oubliez pas votre bouteille d'eau, elle est indispensable. Un bout de carton pour faire le panneau ainsi qu'un stylo ou marker et puis un sac de couchage.
Voilà, vous êtes parés. Alors en route !
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